Journée nationale des aidants : témoignage d’Isabelle

06/10/2021 - Blog

Junior Senior donne la parole à Isabelle, salariée et aidante. Cette héroïne du quotidien qui a une mission très difficile : prendre soin des autres au détriment d’elle-même. En France, ils sont 4 millions de personnes à être salariés et aidants.

Dans cet article consacré aux aidants, nous recueillons  le témoignage d’Isabelle, 56 ans. Femme visiblement dynamique et souriante, Isabelle est mariée et a un fils de 33 ans. Pendant 10 ans, elle s’est occupée de ses parents malades. Aujourd’hui, elle nous raconte…

 

 

PRÉSENTATION ET CIRCONSTANCES

Isabelle est de nature dévouée aux gens qu’elle aime. Si l’un de ses proches va mal, elle accourt. En conséquence, elle est celle que l’on appelle dès que quelque chose ne va pas. Quoi qu’il arrive, elle prend les devants et fait tout son possible pour aider ceux qui lui sont chers.

Il y a 10 ans, le père d’Isabelle déclare un cancer des poumons et de la gorge. Il fait régulièrement des crises d’épilepsie, refuse de manger et ne peut pas se déplacer seul de son domicile. Ses journées se résument « à aller du fauteuil au balcon », selon Isabelle.

La mère d’Isabelle est quant à elle atteinte d’une maladie héréditaire. Elle aussi fait des crises d’épilepsie.

Si ses deux parents vivent ensemble, la mère d’Isabelle en vient à considérer que c’est à sa fille de tout prendre en main.

Cette charge, Isabelle l’a acceptée. Elle a porté ses parents pendant 10 ans et pendant ces 10 ans, elle a oublié qu’elle avait aussi sa vie à vivre. Pendant 10 ans, pour rendre la vie de ses parents plus facile, elle a mis la sienne entre parenthèses pour devenir aidante.

SALARIÉE ET AIDANTE, UN QUOTIDIEN BOULEVERSÉ

Un emploi à temps plein et une vie de famille, la tâche est complexe.

Ses journées se déroulent toujours selon le même rituel : chaque jour elle va travailler, elle cuisine le soir chez elle pour apporter le lendemain, pendant sa pause déjeuner, leur repas à ses parents et repasse chez eux le soir pour les aider.

Les sollicitations pleuvent sans se soucier de la charge que représente pour elle une telle présence au quotidien : faire les courses, gérer une crise ou encore emmener son père se promener… les demandes d’attention se suivent et s’accumulent !

« À chaque fois que mon père faisait une crise d’épilepsie, ma mère m’appelait immédiatement avant même d’appeler le SAMU, et ce, à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit. Je dormais très peu, j’étais régulièrement réveillée en sursaut la nuit et n’avais pas une minute à moi. »

En dehors de l’aide et du soutien moral qu’elle apporte à ses parents, Isabelle doit s’occuper de tout l’aspect administratif durant ces années en tant qu’aidante. Elle décrit elle-même cette gestion administrative comme « un boulot monstre ». Cela passait par la gestion des factures, les documents à fournir pour les hospitalisations de ses parents et tout le quotidien d’un foyer qu’elle a quitté 30 ans plus tôt ! Si ce sont ses parents qui prennent eux-mêmes les décisions d’ordre médical, Isabelle met un point d’honneur à être présente à tous les rendez-vous.

UNE CHARGE ÉMOTIONNELLE TROP LOURDE

De nature, Isabelle se sent investie d’une « mission » : celle de toujours venir en aide à ceux qu’elle aime. Elle le dit elle-même, elle « se doit » d’être présente, elle a une sensibilité particulière qui la pousse à secourir les autres. Elle prend les choses de front, elle « fonce ».

Mais malgré toute la générosité dont elle sait faire preuve, cette période est pénible. Elle nous explique qu’un grand malade est très difficile à vivre, même s’il s’agit d’une personne de sa famille. Alors que sa mère ne supporte plus le comportement de son père, Isabelle doit faire face à l’envie de mourir de ce dernier. L’impuissance face à la souffrance de ses proches mais la compréhension de cette envie d’en finir avec une vie qui n’a plus de sens devient douloureux et pesant !

Heureusement il y a parfois des moments de répit salutaires ! Une remontée à la surface momentanée pour reprendre un peu d’air comme cette fois où ses deux parents sont hospitalisés en même temps : « ça m’a fait du bien, j’ai pu me reposer et penser un peu à moi ».

D’ailleurs, Isabelle a dû faire le messager entre les différents médecins à de nombreuses reprises : « parfois les médecins te reçoivent parce que tu leur demandes, mais ils ne te suivent pas vraiment. C’est dur de faire comprendre aux gens pourquoi tu accompagnes tes parents. C’est très lourd. »

Malgré tout, Isabelle n’en a jamais voulu à ses parents. Elle perdait parfois patience et, à cause de la fatigue, avait presque des envies d’actes violents à leur égard, mais elle a su garder le recul nécessaire pour ne pas s’effondrer.

 

FAIRE FACE À L’INCOMPRÉHENSION DE L’ENTOURAGE

Durant ces années de soutien auprès de ses parents, Isabelle a auprès d’elle son mari et son fils. Eux aussi sont présents pour ses parents à qui ils n’ont jamais reproché de n’avoir pas été aussi présente pour eux qu’elle l’aurait voulu. « J’espère qu’ils ne me le reprocheront pas un jour », confie cependant Isabelle.

Isabelle ne regrette pas tout ce qu’elle a fait pour ses parents, mais elle s’est fait la promesse de ne jamais faire subir cela à son fils.

Si elle a pu compter sur le soutien de son entourage proche, l’incompréhension est de mise dans sa vie amicale et professionnelle. Les réflexions virulentes des collègues qui n’ont jamais subi cette situation pleuvent alors que les jours de congés s’accumulent. Les copains aussi prennent leur distance avec cette femme qu’ils ne reconnaissent plus !

Selon elle, les conditions de travail des aidants sont très dures mais il est difficile d’aborder ce sujet en société. Elle explique que les gens n’assument pas de dire qu’ils ne supportent plus leur conjoint malade ou leur parent alité mais qu’ils n’ont pas l’impression d’avoir le choix. Bien que cela soit difficile, Isabelle affirme qu’il faut en parler, c’est essentiel : « On a le droit de trouver cela dur et d’en avoir marre. Il faut se libérer de cela. », confie-t-elle. « Il est tout à fait normal de se plaindre et c’est même important. »

Si Isabelle a souvent ressenti beaucoup de solitude face à la maladie de ses parents, elle concède que l’aide d’une infirmière et d’aides ménagères très dévouées ont été d’un précieux soutien durant ces années. L’articulation entre tous ces intervenants à domicile est facilitée par la mise en place d’un cahier de liaison qui permet à chacun de savoir ce qui a été fait et ce qu’il a à faire.

L’intervention de ces professionnels lui ont permis de se décharger un peu et pour cela elle leur est d’une infinie reconnaissance. « Il n’est pas rare que certaines personnes malades refusent l’aide d’auxiliaires de vie ou d’infirmiers à domicile. J’ai au moins eu la chance que mes parents acceptent leurs interventions et d’avoir eu affaire à des gens investis et compétents ! ».

 

LE LÂCHER-PRISE

« J’ai encore la tête dedans, mais je me confie plus maintenant. » admet Isabelle, 10 ans plus tard.

Un an après la mort de son père, Isabelle a contracté une maladie de l’intestin, en un mois elle a perdu 6 kg. Son corps répondait sans doute à ces années d’angoisse et de manque de sommeil.

Après cela, Isabelle a suivi une psychothérapie et des séances de sophrologie pour évacuer le stress et le poids de toutes ces années passées au service des autres. Elle affirme que cela lui a fait beaucoup de bien et que cela lui a appris à se libérer de toute la charge émotionnelle accumulée.

Si tous ces événements l’ont profondément marquée et qu’elle est encore un peu émue en en parlant, désormais elle pense davantage à elle. Elle avait beaucoup de manies, aimait avoir le contrôle sur sa vie. Aujourd’hui elle lâche prise et elle s’accorde du temps pour elle !

 

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